La réutilisation des eaux usées devient un enjeu majeur. Le risque de pénurie de la ressource en eau appelle sa bonne gestion dans le cadre d’une économie circulaire.
De ce point de vue, la France accuse un retard important. En effet seul moins de 1% des eaux usées est recyclé dans notre pays, contre 8% en Italie ,15% en Espagne et 80% en Israël.
Jusqu’à présent, l’effort a porté sur le traitement des eaux usées afin de les rejeter dans le milieu naturel en évitant de le polluer.
Cette situation conduit à un gaspillage, les eaux traités sont rejetées dans les cours d’eau ou à la mer sans valorisation.
Qu’en est-il à la Croix Valmer ?
Nous disposons d’une station d’épuration moderne, gérée par le SIVOM du littoral des Maures qui reçoit et traite les eaux usées de Cavalaire et de la Croix Valmer. Cette Station traite les eaux émanant de deux réseaux, celui des eaux de pluies et celui des eaux usées. Sur 1,6 millions de m3 d’eaux traitées, l’eau de pluie représente 500.000 m 3.
Sans entrer dans le détail technique, la station dispose de plusieurs étages de traitement, dont filtration, biotraitement et UV.
L’efficacité d’épuration est affichée à 99%, dans le respect de normes très strictes. La station traite les bactéries indésirables, mais n’a pas d’action sur les micropolluants*. Cependant un suivi est effectué en amont et en aval de leur concentration, dans le respect du cadre réglementaire défini.
Ces micropolluants proviennent essentiellement de nos utilisations domestiques.
La station rejette les eaux traitées en mer, grâce à un émissaire de 1,5 km, à une profondeur de 38 m. Des mesures régulières sont effectuées pour connaître l’impact environnemental de ses rejets sur les posidonies et sur la faune marine, grâce à l’implantation de moules.
Selon la saison et les pluies, les rejets sont de 2.000 m3/jour l’hiver et 7.500 m3/jour l’été. Cela représente environ 200 à 300 litres d’eau par personne et par jour.
Cette station est largement dimensionnée (40% de marge) et sa saturation potentielle n’est pas à l’ordre du jour.
Qu’en est-il de la réutilisation de cette ressource en eau à la Croix Valmer-Cavalaire ?
Ces eaux traitées, dites eaux industrielles pour un traitement sommaire, ou réutilisables pour un traitement plus complet, ne servent pour le moment qu’à rincer les centrifugeuses de la station, à préparer les réactifs et à arroser au goutte à goutte les pelouses de la station.
Or on constate en France de nombreuses initiatives de réutilisation des eaux traitées dans l’environnement des stations d’épuration qui devraient nous servir de modèles.
Ainsi à Clermont Ferrant 900 hectares de culture sont arrosés par des eaux traitées et aux Sables d’Olonne, l’eau de la station est écoulée sur le bassin versant dans le barrage qui produit de l’eau potable ! En Occitanie, à Gruissan ce sont 24 hectares de vignes qui sont arrosées par ce même procédé.
Dans l’ile de Noirmoutier, les eaux usées devraient même servir à produire de l’eau potable !
Notre seule réalisation notable dans notre environnement proche est l’arrosage du golf de Sainte Maxime, de nuit..
Ce sont les ARS, les autorités régionales de santé qui sont chargées de donner leur accord pour toute expérimentation. Dans notre région, contrairement à d’autres régions, l’ARS ne favorise guère les initiatives et a des exigences excessives.
Ainsi à Cannes pour obtenir l’autorisation d’utiliser ses eaux recyclées pour un usage de nettoyage urbain, la commune a dû investir 4 millions d’euros pour construire un démonstrateur, à savoir une rue avec ses activités simulées..
La situation devrait évoluer si l’on en croit les déclarations récentes du président Macron. Ce dernier a fixé le taux de recyclage national à 10% à l’horizon 2030. Deux textes ont été publiés pour encadrer cet objectif, un décret du 30 août 2023 et un arrête REUT du 18 décembre 2023.
Le plan eau est de voir fleurir 1.000 projets d’ici à 2027…
Les textes prévoient une simplification administrative pour éviter les blocages rencontrés.
Sont encouragés les usages agricoles des eaux recyclées, les usages urbains de voirie, l’arrosage des espaces verts, des golfs, la lutte contre l’incendie etc….
Dans ce nouveau contexte, l’ASSCV souhaite vivement que la station du Sivom franchisse une étape et que le traitement des micropolluants soit pris en compte dans la station, sur charbon actif par exemple. L’accumulation de ces centaines de particules de quelques microgrammes ou nanogrammes par litre dans le milieu naturel est en effet préoccupante. Le rôle de la DDTM (direction départementale des territoires et de la mer) et celui de l’Agence de l’eau pour aider et financer un projet de traitement des micropolluants dans la station seront déterminants pour que la production d’une eau plus pure favorise ses usages.
L’ASSCV réfléchit à des moyens d’action pour que le traitement des eaux de nos communes soit exemplaire. Elle va se tenir régulièrement informée et participera aux groupes de réflexions quand cela sera possible. Notre association restera attentive aux initiatives que pourrait prendre le SIVOM pour toute application de l’économie circulaire et va régulièrement interpeller nos administrations ainsi que nos communes afin que la volonté persiste. Enfin l’ASSCV interviendra dans le soutien de campagne de sensibilisation et de prévention concernant les micropolluants. Ce sujet des micropolluants est extrêmement sensible, puisque non seulement ces micropolluants sont relevés en station comme indiqué ci-dessus, mais sont aussi dans l’eau qui ne passe pas par les réseaux, celle rejetée directement à la mer par les ruisseaux, en particulier lors des fortes précipitations.
*Un micropolluant est une substance (minérale, biologique, organique, radioactive..) polluante, présente dans des concentrations très faible dans l’eau et qui peut avoir une action toxique ou écotoxique pour tout ou partie des organismes ou de l’écosystème.
Ex :
· Produits d’entretien : eau de javel, produit vaisselle, lessive, assouplissant, désodorisant, détachant…
· Produits d’hygiène et cosmétiques : crème solaire, déodorant, dentifrice, lait corporel, mascara, rouge à lèvre, fond de teint, gel douche, shampoing…
· Médicaments : paracétamol, aspirine, antibiotique, œstrogènes, anticancéreux…
· Pesticides (insecticides, fongicides, herbicides) : antipuces, anti-tiques des animaux domestiques, anti-poux, spray et prise anti-moustiques…
· Produits de bricolage : décapant, peinture, solvant, colle, vernis…